Il ne fait aucun doute que les services de première ligne jouent un rôle essentiel dans la réduction des inégalités sociales de santé. Plusieurs études ont démontré que les systèmes de santé dotés d’une première ligne solide bénéficient d’une réduction de l’incidence et de l’écart entre les personnes à faible revenu et à revenu élevé de la mortalité néonatale, des naissances de faible poids et des décès dus aux cancers, aux accidents vasculaires cérébraux, aux maladies cardiaques et pulmonaires, tout en augmentant l’espérance de vie à l’échelle populationnelle.
Bien que les soins de santé au Canada soient publics, les individus à faible revenu rencontrent trop souvent des obstacles pour accéder aux services de santé, ce qui nuit à leur santé. Par exemple, l’espérance de vie dans les quartiers les plus pauvres de Montréal est de 10 ans de moins que dans certains des plus riches, en raison d’un ensemble de déterminants de la santé défavorables qui incluent les barrières d’accès aux services de première ligne – souvent culturelles, économiques ou liées à l’éducation. Des données récentes de l’Ontario indiquent que les personnes vivant dans les quartiers les plus pauvres sont les moins susceptibles d’avoir un médecin de famille. La pandémie de COVID-19 a aussi illustré comment le faible revenu et d’autres déterminants sociaux défavorables se sont conjugués à un accès insuffisant aux services de santé pour conduire à un nombre plus élevé de cas de COVID-19, d’hospitalisations et de décès dans certaines communautés.
Parallèlement, la pandémie de COVID-19 a considérablement accéléré l’adoption de la télémédecine au Canada, avec des investissements majeurs de la part du gouvernement fédéral et l’émergence de plusieurs services virtuels privés, qui ne sont pas couverts par les régimes d’assurance publics pour la plupart.
Le revenu exerce toutefois une influence importante sur le niveau d’adoption et d’intérêt pour les services virtuels.
Selon le sondage NosSoins, 69 % des personnes ayant un revenu de 150 000 $ ou plus ne sont pas du tout ou pas très disposées à utiliser des services virtuels payants pour des services qu’elles pourraient obtenir gratuitement avec leur médecin ou infirmière praticienne spécialisée (IPS). En comparaison, 88 % de ceux ayant un revenu inférieur à 20 000 $ sont du même avis. S’il est mal réglementé, le développement de services virtuels privés pourrait potentiellement exacerber les disparités existantes d’accès aux soins.
Sondage NosSoins Question 37: Dans quelle mesure seriez-vous prêt à utiliser de nouveaux services virtuels si le service vous facturait pour des choses que vous pourriez obtenir gratuitement si vous consultiez votre médecin ou votre IPS habituelle ? (Sélectionnez la question dans le menu déroulant)
Mais les obstacles ne sont pas seulement d’ordre financier. Près de la moitié des adultes canadiens ont un niveau d’alphabétisation inférieur au niveau secondaire, ce qui a un impact significatif sur leur capacité à accéder à des informations de santé et à les comprendre, entraînant d’autres barrières à l’accès et à l’utilisation des soins de santé. La dépendance croissante aux technologies numériques dans les soins de santé pourrait également avoir un impact significatif sur l’accès aux soins de santé pour les populations vulnérables qui ont une littératie numérique plus faible ou qui ont simplement moins d’accès aux téléphones intelligents et aux ordinateurs.
Les personnes à faible revenu sont moins enclines à utiliser la technologie pour communiquer avec leurs professionnels et accéder à leurs informations. Au cours des 12 derniers mois, seulement 13 % de ceux qui gagnent moins de 20 000 $ ont déclaré avoir communiqué avec leur médecin de famille par courriel et 39 % considéraient cela comme important. En revanche, parmi ceux qui gagnent 150 000 $ ou plus, 24 % ont déclaré avoir communiqué par courriel avec leur médecin de famille et 49 % considéraient cela comme important. Ces résultats concordent avec ceux d’une enquête sur l’expérience des patients menée auprès de plus de 7 000 personnes dans la région du Grand Toronto au début de la pandémie, qui a révélé que les personnes ayant déclaré avoir du mal à joindre les deux bouts étaient moins susceptibles de se sentir à l’aise avec les options virtuelles et moins susceptibles de vouloir que les options virtuelles se poursuivent après la pandémie.
Sondage NosSoins Question 39: Au cours des 12 derniers mois, de quelle manière avez-vous communiqué avec votre médecin de famille ou votre IPS?
Sondage NosSoins Question 40: NosSoins enquête Question 40 : Pensez à la manière dont vous aimeriez recevoir des soins d’un médecin de famille ou d’une IPS. Lesquels des éléments suivants sont les plus importants pour vous ? (Sélectionnez la question dans le menu déroulant)
De plus, l’accès aux informations médicales via des applications ou des sites web est moins courant chez les personnes à faible revenu. Alors que 50 % des répondants gagnant moins de 20 000 $ par an ont déclaré les utiliser, 70 % de ceux gagnant 150 000 $ ou plus l’ont fait. De plus, les personnes à revenu élevé accordent plus d’importance à l’accès à leurs informations personnelles de santé en ligne, 81 % d’entre elles déclarant que c’est très ou assez important, contre 61 % pour les personnes à faible revenu.
Sondage NosSoins Question 47: Avez-vous déjà utilisé une application ou un site web pour consulter vos informations médicales?
Sondage NosSoins Question 49: Quelle importance accordez-vous au fait de pouvoir consulter vos informations de santé personnelles en ligne ? (Sélectionnez la question dans le menu déroulant)
Ces résultats peuvent s’expliquer par de multiples raisons, notamment le fait que les personnes à faible revenu se sentent moins à l’aise avec la technologie, qu’elles ne disposent pas d’une bonne connexion internet ou d’un forfait de données, ou qu’elles n’ont pas accès à un téléphone ou un ordinateur personnel. Il faut poursuivre les efforts de recherche pour mieux comprendre les mesures de soutien qui pourraient permettre une plus grande égalité face aux nouvelles technologies.
Bien que la technologie puisse offrir des opportunités pour améliorer l’accès aux services dans les communautés mal desservies qui vivent dans des zones rurales ou éloignées, les résultats du sondage NosSoins suggèrent que le développement de la télémédecine ou de technologies de l’information peut également élargir les disparités existantes en matière d’accès aux soins de santé.
NosSoins organise des panels sur les priorités dans cinq provinces, chacun composé de 35 membres du public qui correspondent approximativement à la démographie de la région. Le rapport du panel ontarien, le premier à être publié, insiste sur le fait que l’équité doit être une valeur fondamentale des systèmes de santé et a proposé un certain nombre de recommandations spécifiques aux soins virtuels, notamment, de :
- Déployer des soins virtuels complets pour les personnes qui ont des problèmes de mobilité et qui vivent dans des zones éloignées.
- Créer des soins virtuels publics ouverts 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
- Permettre un accès à une infirmière ou à un paramédic communautaire qui peut virtuellement mettre en contact les patients à un médecin au sein d’une équipe de première ligne, et ce, gratuitement.
- Investir dans un service Internet abordable et fiable et dans des espaces publics pour les consultations virtuelles, afin de réduire les inégalités numériques.
Au cours des prochains mois, NosSoins organisera des panels au Québec, en Nouvelle-Écosse, en Colombie-Britannique et au Manitoba, ainsi que dix reconcentres avec différentes communautés à travers le pays. En partenariat avec des organisations communautaires, ces rencontres viseront à comprendre et à faire valoir les priorités des communautés marginalisées et mal desservies.
Les soins virtuels ont le potentiel d’élargir ou de réduire les inégalités d’accès aux soins. En adoptant de nouvelles technologies, nous avons le devoir collectif de veiller à ne pas aggraver involontairement les inégalités de santé. En poursuivant le dialogue avec le public et les communautés marginalisées, nous pouvons faire en sorte que les services numériques et la télémédecine soient mieux intégrés aux services de première ligne de manière à améliorer l’équité en matière de santé et à combler les lacunes dans l’accès aux soins.
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